Andres Serrano : artiste de la provocation ?

20151003_151928Petite, je voulais devenir bonne soeur.

Ca m’est passé. Mais je reste fascinée par tout ce qui touche à la religion.

C’est cette fascination qui m’a poussée à ouvrir pour la première fois les portes de la Maison Particulière, dans le cadre de l’accrochage Icône(s).

C’est également à la Maison Particulière, mais lors d’un autre accrochage, Pair(e), que j’ai découvert le photographe américain Andres Serrano.

Deux oeuvres de Serrano y sont exposées, jusqu’au 13 décembre : Blood on the Flag, 2001 et The Interpretation of Dreams (The Other Christ), 2005.

Maison Particulière, Pair(e), Andres Serrano
Maison Particulière, Pair(e), Andres Serrano

Ca, c’est soft ! Comparé au reste je veux dire…

Andres Serrano, il a pris un crucifix bon marché et l’a immergé dans sa propre urine. Urine à laquelle il a ajouté un peu de son sang, pour donner à l’ensemble une luminosité orangée. C’était en 1987. L’oeuvre Piss Christ, jugée blasphématoire, entraine de violentes polémiques aux Etats-unis et propulse Andres Serrano aux devants de la scène artistique. Maintes fois vandalisé, « Piss Christ » est, toujours aujourd’hui, exposé derrière une vitre blindée.

L’oeuvre d’Andres Serrano se décline en séries photographiques : The Church (1985), KKK & Nomades (1990), The Morgue (1991), Aids (1995), A History of sex (1997), …

Oui oui, vous avez bien lu : The Morgue.

En 1991, l’artiste se rend dans une morgue New-Yorkaise et y photographie des cadavres. Pour cette série de portraits, Andres Serrano s’inspire de l’iconographie chrétienne mais également de la peinture romantique du XIX siècle. Théodore Géricault en particulier. On y retrouve également l’influence de la peinture du mémento mori baroque.

Avec « The Morgue », Andres Serrano parvient à rendre esthétique un sujet qui ne l’est absolument pas à la base. La mort est sublimée : scène épurée, fond noir (aucune référence à la morgue), cadrage serré, lumière blanche, utilisation de drapés soyeux, … L’impression est celle de l’apaisement, de la beauté figée, du sommeil éternel. « J’ai cherché à trouver la vie dans la mort ». Mouais, sauf que les titres, eux, nous réveillent d’un coup d’un seul : Child Abuse, Heart Failure, Homicide, Infectious Pneumonia, Fatal Meningitis, …

Andres Serrano se revendique « artiste avec un appareil photo » mais pas photographe. Et d’ajouter : « J’utilise la photographie comme un peintre utilise sa toile ». L’art, il connait ! Pour l’avoir étudié à la Brooklyn Museum Art School de New-York. Techniquement, ses clichés sont parfaits : « Mon sens de la composition, des couleurs, des lignes, des formes, tout ça est très classique au fond. Seules mes idées sont modernes. »

Ses idées justement. Les séries photographiques de Serrano traitent systématiquement de sujets controversés comme la mort, le sexe, la religion, les exclus, les problèmes sociaux. Aucun tabou n’est épargné. Son oeuvre exploite toute la palette des interdits. Il dit pourtant « ne pas chercher à briser les tabous », « n’avoir aucune sympathie pour le blasphème ». Son unique motivation serait de « créer quelque chose de neuf, d’unique, de différent ».

Il va même plus loin en se revendiquant « artiste chrétien » : « J’aimerais travailler au Vatican, réaliser une grande oeuvre religieuse à Rome, dans les églises de la cité pontificale (…) J’aimerais que le Saint-Siège comprenne que je suis un artiste profondément chrétien, de mon temps. »

Hum… Je ne sais pas quoi penser… Andres Serrano m’interpelle car il est à la fois tout et son contraire. Ange et Démon à la fois.

Volontairement, je n’ai pas illustré cette note. Ou très peu. Parce que certains clichés d’Andres Serrano me dérangent aujourd’hui. Ce n’était pourtant pas le cas en octobre dernier, à la Maison Particulière, lorsque j’ai feuilleté goulûment « Andres Serrano. America and other Work ». Mais nous sommes le 22 novembre et, depuis, il s’est passé plein de choses. Des choses qui rendent plus sensible, plus fragile, moins apte à prendre de la distance (…)