A Venise, je n’eus d’yeux que pour Peggy Guggenheim. Elle, et son « palais inachevé », le Palazzo Venier dei Leoni.
Peggy est née riche. Très riche. Sa voie était toute tracée : épouser un millionnaire (juif, de préférence), faire des enfants (beaucoup, de préférence) et se la couler douce (sans faire de vagues, de préférence).
Mais elle en décida autrement.
Toute jeune, elle est fascinée par les intellectuels. Elle lit et bosse dans une librairie New-Yorkaise.
Son premier mari, Laurence Vail, est une personnalité phare du milieu bohème parisien. Elle l’épouse en 1922. Elle a 23 ans. Ensemble, ils auront deux enfants : Sindbad et Pegeen.
Laurence Vail est le premier d’une longue série. Peggy Guggenheim aime les hommes… et le sexe. Elle ne s’en cache pas. D’où sa réputation de « femme fatale », de « libertine » ou encore de « mangeuse d’hommes ».
Elle n’était pas belle Peggy, mais elle avait du charme, du sex appeal. Et elle était libre, et indépendante ! Un atout irrésistible en ce début de siècle.
Son mariage bat de l’aile. Laurence Vail est colérique et violent. Ils divorcent et mettent en place une garde alternée (inconcevable à l’époque).
Peggy entame alors une relation avec John Holms, un écrivain alcoolique dont elle tombe follement amoureuse. Sa mort, cinq ans plus tard, lui brisera le coeur : « Je sus, à la mort de John, que je ne serai plus jamais heureuse ».
Deux ans plus tard, en 1936, elle rencontre un autre écrivain, Douglas Garman. Ils se séparent, peu de temps après.
Peggy Guggenheim sort de ces relations avec l’impression de « n’avoir été qu’une épouse durant les quinze dernières années » Elle décide d’ouvrir une galerie d’art.
« A cette époque, j’étais incapable de reconnaître quoi que ce fût en art. Marcel essaya de m’éduquer et j’ignore ce que je serais devenue sans lui. »
Par Marcel, comprenez Marcel Duchamps.
Le voilà donc, le génie de Peggy Guggenheim : dénicher les meilleurs conseillers artistiques de son temps.
En 1938, à tout juste trente ans, elle inaugure à Londres sa première galerie d’art, avec comme conseillers Marcel Duchamps et Jean Cocteau : Guggenheim Jeune. Pour sa première exposition, elle choisit Brâncuşi.
« A cette époque, je ne pensais pas commencer une collection. c’est peu à peu, que je pris l’habitude, à chacune de mes expositions, de choisir une oeuvre de l’artiste pour le consoler au cas où il ne réaliserait aucune vente. »
Elle a un grand coeur Peggy. Et elle est humaine, généreuse.
Sans elle, beaucoup d’artistes ne seraient pas sortis vivants de la Seconde guerre mondiale. Usant de son nom et de sa nationalité américaine, elle leur obtient de faux papiers et finance leur passage aux Etats-Unis.
Fuyant la guerre, Peggy Guggenheim rentre à New York en 1941 et inaugure, le 20 octobre 1942, sa seconde galerie d’art : The Art of This Century gallery. Elle y fera la promotion des artistes exilés à New York, et plus particulièrement des surréalistes. Elle est alors en couple avec Max Ernst. Une relation tumultueuse, de courte durée.
A New-York, Peggy Guggenheim remarque un artiste alors inconnu : Jackson Pollock. Elle le soutient et l’aide financièrement. Sans elle, l’expressionnisme abstrait n’aurait sans doute jamais vu le jour.
Elle est par ailleurs celle qui révéla au public américain les surréalistes européens.
Bref, ce fut une bien grande dame que cette Peggy Guggenheim.
Les trente dernières années de sa vie, elle les passa à Venise, dans le palais Venier dei Leoni, face au Grand Canal. Elle y installa sa sublime collection qu’elle présenta au public lors de la XXIVème biennale de Venise, en 1948.
A sa mort, le 23 décembre 1979, le palais et sa collection furent légués à la fondation de son oncle, The Salomon R. Guggenheim Fondation. Et ce, afin que sa collection ne soit pas dispersée entre ses descendants.
La fondation Peggy Guggenheim abrite une collection d’art du XXème unique au monde. La collection d’une femme en avance sur son temps, d’une collectionneuse autodidacte qui a su s’entourer des bonnes personnes ; d’une mécène visionnaire qui a su déceler le génie artistique là où le monde institutionnel brillait par son absence.
Lors de ma visite, j’ai croisé des Picasso, des Braque, des Chagall, des Modigliani, des Brancusi, des Duchamp, des Picabia, des Mondian, des Klee, des Calder, des Pollock, des Kandinsky, des Magritte, des Miro, des Max Ernst, des Dali, … Des grands noms, certes. Pourtant, sur place, je n’eus d’yeux que pour elle : Peggy Guggenheim.
La collection Guggenheim – Palazzo Venier dei Leoni
Tarif : 14€ plein tarif. Ouvert tous les jours de 10h00 à 18h00, sauf le mardi et le 25 décembre.
Site officiel : http://www.guggenheim-venice.it
Facebook : https://www.facebook.com/ThePeggyGuggenheimCollection






