IncarNations à Bozar

Kwele Gon Mask, Gabon / Republic of Congo

S’il y a bien une chose que j’aime autant, voire plus que l’art, c’est l’Afrique.

Ne me demander pas pourquoi. J’ai chopé le virus au Mali, il y a une quinzaine d’années.

J’y suis retournée, jusqu’à ce que la situation sécuritaire ne me le permette plus. Puis il y eut Madagascar et la Côte d’Ivoire.

C’est peu de choses, je sais, compte tenu de l’immensité de ce continent. Mais ce fut suffisant pour me persuader que l’Afrique et moi, nous avions un lien d’âme.

Ce lien d’âme, je l’ai ressenti à nouveau, au Bozar, avec l’exposition IncarNations, African Art as Philosophy, conçue par l’artiste Kendell Geers et le collectionneur Sindika Dokolo.

IncarNations propose aux visiteurs de (re)découvrir l’art africain d’hier et d’aujourd’hui, d’en apprécier la diversité, d’en ressentir la spiritualité… et ce, d’un point de vue afro centré.

Pour accueillir le visiteur : « Twilight of the idols », une statuette magico-religieuse emballée dans du ruban adhésif de sécurité. Le ton est donné.

Kendell Geers

Sur les murs, un papier peint au motif africain à priori abstrait. Joli, sans plus. Sauf qu’à y regarder de plus près, deux mots y sont cachés et se répètent à l’infini : LIE et BELIEVE.

Tout aussi subtile, l’omniprésence de miroirs qui confrontent le visiteur à sa propre image, à sa propre perception. Avant de juger, regarde-toi toi-même…

L’ouïe également est stimulée. Partout, des vidéos et du son. Beaucoup de son. Le brouhaha général rappelle l’Afrique, bruyante et vivante.

Et dans ce joyeux chaos, il y a les œuvres, exposées sur des structures quadrillées en métal blanc comme on en trouve partout en Afrique du Sud.

Mon coup de cœur absolu : Zanele Muholi, une artiste visuelle sud-africaine active dans la cause LGTB et l’identité lesbienne en Afrique du Sud. J’ai été envoûtée (oui oui, envoûtée) par ses autoportraits de la série « Somnyama ngonyama » (en zoulou « louée soit la lionne noire »).

Zanele Muholi, Sibusiso, Cagliari, Sardinia, Italy, 2015

Envoûtée, je l’ai été également par les hommes aux hyènes du photographe sud-africain Pieter Hugo.

Pieter Hugo, Jatto with Mainasara, Ogere-Remo, Nigeria

Ou encore l’homme au chandelier du performeur africain blanc juif et homosexuel (c’est ainsi qu’il se définit) Steven Cohen. Cette photo réalisée lors de la démolition d’un bidonville à Johannesburg m’a bouleversée.

Steven Cohen, Chandelier, 2001

Puis l’albinos aux papillons de Justin Dingwall.

Justin Dingwall, MOB I/II, 2015

Sans oublier le mythe d’Europe revisité par l’artiste sud-africaine Nandipha Mntambo.

Nandipha Mntambo, Europa, 2008

Belle découverte également, les performances de l’artiste germano-kenyane Ingrid Mwangi sur le thème de l’identité et des conventions sociales.

Ou les sculptures et masques réalisés à partir de matériaux recyclés de l’artiste plasticien béninois Romuald Hazoumé.

Et puis il y eut les retrouvailles.

Avec Andres Serrano d’abord, découvert il y a quelques années à la Maison Particulière.

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Andres Serrano, Klansman, Grand Dragon of the Invisible Empire (The Klan), 1990

L’artiste kényanne Wangechi Mutu ensuite, célèbre pour ses créatures fantasmagoriques faites de collages et d’aquarelles.

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Wangechi Mutu, Untitled, 2004

Roger Ballen enfin, artiste américain qui vit et travaille en Afrique du Sud depuis plus de 30 ans. Son clip « I Fink U Freeky » réalisé pour le groupe sud-africain Die Antwoord renforce le caractère immersif de l’exposition. Avis aux amateurs : sachez que la CENTRALE for contemporary art lui consacre une exposition d’envergure à Bruxelles, du 14 novembre 2019 au 14 mars 2020.

Aux côtés de ces œuvres contemporaines, des objets ancestraux, tous plus sublimes les uns que les autres. C’est vrai finalement, « pourquoi les Européens insistent-ils toujours pour séparer l’art classique de le création contemporain ? ». Plus qu’une expérience immersive, IncarNations est une initiation spirituelle.

Son objectif ? Transcender les visions stéréotypées de ce qu’on appelle l’art africain. Une démarche d’autant plus forte et symbolique lorsque l’on sait que c’est dans ces mêmes salles qu’eut lieu, en 1930, la première exposition mondiale d’art nègre (…)

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