
Je fais partie de la génération des “Big Five”. J’ai nommé Cindy Crawford, Christy Turlington, Linda Evangelista, Noami Campbell et Claudia Schiffer.
C’était au temps où les mannequins étaient appelées par leur prénom. Et où leur aura dépassait très largement le domaine du mannequinat et de la mode.
D’ailleurs, on ne parlait pas de mannequins à l’époque, mais de “Supermodels”. Et ces cinq top modèles avaient en commun d’être plus célèbres que les vêtements qu’elles portaient.
Ce phénomène, Peter Lindbergh en est l’initiateur.
Fin des années 90, le photographe d’origine allemande décide de casser les stéréotypes. Il prône une beauté pure, naturelle, sans artifices. Alors que les portraits de l’époque sont sophistiqués, codifiés, réalisés en studio et retouchés à l’extrême… les portraits de Peter Lindbergh sont, quant à eux, épurés et réalisés à la lumière naturelle, sans retouche.
Le magazine américain Vogue publie dans son édition d’août 1988, l’un de ses portraits (qui deviendra culte). On y voit un groupe de mannequins alors émergents en chemise blanche sur la plage de Santa Monica. En Janvier 1990, le Vogue anglais publie en couverture un autre cliché noir et blanc de Peter Lindbergh. On y voit Linda Evangelista, Noami Campbell, Cindy Crawford, Tatjana Patitz et Christy Turlington. Suite à cela, les cinq modèles seront embauchés par George Michael pour son clip culte “Freedom”. Le clip d’une génération, la mienne. Et c’est parti pour la gloire !
Toute sa carrière, Peter Lindbergh a été le défenseur de la beauté dans sa plus simple expression. « Je déteste le glamour » disait-il. L’authenticité imparfaite était son graal, son moteur.
Bien entendu, je ne peux nier l’impact qu’a eu le photographe sur l’industrie de la mode. Mais j’ai tout de même un peu dur, je l’avoue, avec son concept d’authenticité imparfaite. Quand on photographie les plus belles femmes du monde, c’est tout de même un peu fort de café. Je préfère dire de Lindbergh qu’il a été le défenseur de la beauté dans sa plus simple expression. Aaaahhh, là, ça sonne tout de suite mieux. By the way, la formulation n’est pas de moi.
Plus que la démarche développée ci-dessus, ce que j’aime vraiment chez Lindbergh c’est le côté cinématographique de ses œuvres. Il a été le premier à introduire la narration et la fiction dans la photo de mode. On est dans le Berlin des années 20. On est dans l’Ange bleu, aux côtés de Marlène Dietrich. Dans Nosferatu, Metropolis. Chacun de ses portraits est une mise en scène expressionniste.
Alors, bien entendu, en bon expressionniste, son univers est sombre, inquiétant, brut. Tout comme l’endroit où il a passé son enfance, à Duisbourg, dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie : « J’ai grandi dans la poussière des usines, entouré par une architecture industrielle, grise et sombre ».
Mais Lindbergh, ça n’est pas que les photos de mode. Et c’est d’ailleurs cette partie de l’exposition « Untold Stories » que j’ai préféré.
L’installation cinématographique du dernier étage est d’une puissance inouïe. Son nom : « Testament ». En 2013, Peter Lindbergh photographie et filme Elmer Carroll, condamné à la peine capitale en avril 1992 pour avoir violé et étranglé une fillette de 10 ans. Il le place devant une caméra haute définition équipée d’un miroir. L’homme (qui a passé 21 ans de sa vie dans le couloir de la mort) est face à lui-même, confronté à son propre reflet. La caméra s’éteint après trente minutes, plongeant le condamné dans le noir. L’homme a quatre minutes pour dire ce qu’il a à dire. L’homme sera exécuté deux mois plus tard. La scénographie est d’une efficacité redoutable. Qu’il s’agisse de top modèles ou de condamnés à mort, la démarche est identique : aller au-delà des apparences, des croyances, et montrer la vraie personne.
« Untold Stories » est le dernier projet de l’artiste. Car oui, c’est Peter Lindbergh lui-même qui a conçu cette exposition, quelques années avant sa mort. C’est une rétrospective intimiste, que l’espace Vanderborghe met parfaitement en valeur.
On dit de Peter Lindbergh qu’il était une belle personne. Simple, modeste, chaleureuse, respectueuse et attachante. On l’appelait le « papa des top modèles ». Il entretenait avec elles une vraie amitié, sincère et profonde.
« Pour photographier les gens, il faut les aimer », disait-il. C’est ce qui se dégage de cette très belle exposition posthume. Celle de Peter Lindbergh, photographe de mode, portraitiste et réalisateur.
A voir, jusqu’au 14 mai, à l’espace Vanderborghe, en plein centre de Bruxelles.
Espace Vanderborght
Rue de l’Ecuyer 50, 1000 Bruxelles




Merci pour ce très bel article qui donne envie d’y aller ! Laure, SisterArt
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