La Proximus Art Collection

J’ai envie de vous parler de John Goossens.

Était-il artiste ? Non. Amateur d’art ? Non plus.

Son dada, c’était le sport automobile !

L’homme d’affaires est décédé en 2002, alors qu’il était à la tête de Proximus.

Vous vous dites certainement : mais quel est le lien avec mapetitehistoiredelart ?

J’y viens.

En 1995, John Goossens devient PDG de Proximus (encore appelé Belgacom à l’époque). C’est un meneur d’hommes, un visionnaire. Son objectif : « faire de la RTT, une entreprise publique sclérosée par les nominations politiques, un des opérateurs télécoms les plus performants en Europe ».

Pour ce faire, il doit changer la culture d’entreprise. Et les mentalités !

En juillet 1996, John Goossens lance l’idée d’utiliser l’art contemporain comme levier de transformation.

Son projet est de mettre l’art au cœur même de l’entreprise, en contact direct avec le personnel. Les œuvres seront accrochées dans les couloirs et les 187 salles de réunion : « Belgacom avait l’objectif de changer totalement sa culture d’entreprise. L’art actuel peut avoir un rôle important en favorisant ce changement de culture. L’art contemporain interpelle, interroge, invite à repenser nos convictions, à accepter la différence, il nous ouvre des horizons nouveaux. Il nous aide à voir que nous vivons dans un monde en mouvance perpétuelle. Il stimule la créativité et le dialogue. Nous choisissons des œuvres qui sont source d’étonnement, d’interrogation, d’appréciation ou parfois même de rejet. »

La Proximus Art Collection était née, logée dans une entité juridique totalement distincte de la société Proximus. En parallèle, un comité d’achats composé de professionnels du monde artistique est constitué. L’avantage ? Gagner en indépendance et en liberté.

Vingt-cinq ans plus tard, la collection compte plus de 600 œuvres, dont les deux tiers sont exposés dans les Tours du Boulevard Roi Albert II. Et c’est toujours un comité d’experts qui se charge de l’acquisition. Initialement présidé par Baudouin Michiels avec Laurent Busine et Jef Cornelis, il est aujourd’hui composé de Chris Dercon, Dirk Snauwaert, Caroline David et Jaap Guldemond.

Récemment, et pour la première fois depuis sa création en 1996, la Proximus Art Collection a été ouverte au public par le biais d’une exposition intitulée « Art with View » (18.09 – 19.12.21). Un clin d’œil à l’emblématique passerelle du 25ème étage. Mais également un rappel de l’ambition première de John Goossens : donner, grâce à l’art contemporain, une vision nouvelle sur le monde.

Mais qu’est-ce qui différencie la Proximus Art Collection des autres collections d’entreprise ? D’après Hans-Bart Van Impe, coordinateur de la collection, sa qualité ne réside pas dans le nombre mais bien dans le choix des œuvres et des artistes. La collection est exceptionnelle de par sa valeur historique. Elle constitue un véritable héritage culturel.

Depuis quelques années, les acquisitions se font plus rares. Une grande partie du budget est alloué, à juste titre compte tenu de la valeur historique de la collection, à la conservation et à la rénovation des œuvres. Crucial (et couteux) également : la digitalisation des archives.

Autre défi de taille : la rénovation prochaine des tours jumelles et le déménagement provisoire des bureaux de Proximus vers le complexe Boréal.

L’exposition « Art with a view » a eu succès retentissant avec plus de 14.000 visiteurs en 3 mois. Par ailleurs, la collection ne cesse de gagner en notoriété sur le plan national et international. Pour preuve, le nombre grandissant de demandes de prêts.

La Proximus Art Collection est très spéciale à mes yeux. Tout d’abord parce que c’est indéniablement l’une des plus belles collections du pays. Mais aussi, et surtout, parce que j’ai eu le privilège de l’admirer au quotidien, entre 2008 et 2021. Quelle chance j’ai eu, durant toutes ces années, d’être accueillie chaque matin par un Warhol. Quelle chance j’ai eu de croiser, entre deux réunions, un Broodthaers, un Buren, un Serrano, un Delvoye. Quelle chance j’ai eu de prendre l’ascenseur aux côtés d’un Pistoletto.

Que va devenir la Proximus Art Collection dans les prochaines années ? Comme nous tous, elle devra s’adapter, se réinventer : « La question du temps et du lieu de travail, en partie accélérée par la crise sanitaire, et l’évolution du monde de l’art, soulèvent des questions sur la finalité de la collection. Où va-t-elle, comment peut-elle se poursuivre et quelle est sa signification ultime ? »

A l’origine, cette collection d’art n’avait aucune ambition muséale. Qui sait ce que lui réserve l’avenir…

Merci à Hans-Bart Van Impe, coordinateur de la collection, pour son temps et sa disponibilité. Interview réalisée le 15 décembre 2021.

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