Iwajla Klinke, Ariane Bergrichter et Jacqueline Vizcaïno

L’art m’ennuie. Enfin, quand je dis l’art, je veux dire les expositions et les lieux d’art actuels.

Tout ça est devenu tellement consensuel.

Picasso & Abstraction, Invader Rubikcubist, Shin Hanga (littéralement : « nouvelle estampe »), … J’ai l’impression de regarder le même film, encore et encore.  

Serais-je blasée ? Peut-être.

C’est ce que je me disais jusqu’à croiser la route de trois femmes. Trois artistes qui ont rallumé chez moi cette petite flamme, brûlante et ardente.

La première est Iwajla Klinke.

Les photographies de Iwajla Klinke rappellent, pour leur précision picturale et leur esthétique, les œuvres des grands maitres flamands du XVIIème siècle. Le Caravage également, et son clair-obscur.

Cette Allemande, née en 1976, a la particularité de mêler les traditions sacrées à l’art contemporain. Sa passion ? Apporter de la lumière sur les mythes et les rituels anciens.

Se trouver face à une photographie de Iwajla Klinke n’est pas anodin. Je l’ai expérimenté à l’Inside Out Gallery de la rue Blaes, à 1000 Bruxelles. On est clairement dans le registre de la spiritualité, de l’invisible. Pour qualifier ses œuvres, certains parlent d’élégante sérénité. J’y ai perçu autre chose. Quelque chose de plus anxiogène, comme une sorte de dangereuse immobilité. Une menace. Celle du fauve prêt à bondir.

Le rite est omniprésent dans l’œuvre de Iwajla Klinke. Son travail photographique est lui-même fortement ritualisé. La photographe parcourt le monde à la recherche de traditions sacrées ; ses modèles (souvent des enfants ou des adolescents) revêtent les costumes traditionnels ;  ses portraits sont réalisés dans l’espace publique, loin des studios ; elle utilise des arrière plans sombres ; elle privilégie la lumière naturelle ; pas de pose étudiée ; ses séances photo durent plusieurs heures et provoquent un état méditatif du sujet ; elle prend des centaines de clichés pour n’en choisir au final qu’un seul ; elle n’effectue pas de retouches ou très peu.

L’utilisation systématique de l’arrière-plan noir est d’une puissance magistrale. Ce dernier renforce l’impression du portrait peint, à la manière des grands maitres classiques. Il accentue la sensation de surgissement des personnages, ce qui expliquerait ma sensation de menace évoquée plus haut. Le fond noir inquiète car il empêche tout repère géographique ou historique. Mais, en contrepartie, il intensifie le contraste et met en valeur les couleurs chatoyantes des costumes. Il donne une impression d’intimité. Et surtout, le fond noir honore la lumière intérieure du sujet, lui permettant de rayonner et de remplir le cadre.

Les personnages mi-homme mi-Dieu de Iwajla Klinke se dévoilent à nous, le temps d’une photo. Ils nous livrent leurs secrets, leur mystère, leur magie. Ils semblent tout droit sorti d’un espace-temps parallèle. Une perception intéressante lorsque l’on sait que Iwajla Klinke se passionne tout particulièrement pour les rites de passage (…)

La seconde artiste est Ariane Bergrichter (1937 – 1996).

Vous connaissez ma passion pour l’art brut. Et bien cet art-là, contrairement à l’art plus conventionnel, ne m’a jamais lassée.

Ariane Bergrichter est une artiste d’art brut. Ou, du moins, elle est exposée dans un lieu dédié à l’art outsider : le Art et marges musée, situé Rue Haute 312 à 1000 Bruxelles. A deux pas de l’Inside Out Gallery.

L’histoire de cette artiste belge est particulière, à la fois belle et triste.

Ariane Bergrichter est mannequin. Atteinte de troubles psychotiques, elle entend des voix intérieures. Pour échapper à la souffrance psychique, elle griffonne ici et là, de façon quasi compulsive. Ça grouille, comme souvent dans l’art brut. Ca part d’un élan vital et ça fait office d’exutoire. Au bic, elle croque sur le vif des scènes de la vie Bruxelloise.

Elle décède en 1996, à l’âge de 59 ans, après dix longues années d’angoisse. A sa mort, ses croquis et réflexions personnelles sont enfouis dans une valise.

Vingt ans plus tard, la fille d’Ariane Bergrichter en découvre le contenu et contacte Valérie Rousseau, historienne de l’art spécialisée dans l’art brut.

Aujourd’hui, l’œuvre de Ariane Bergrichter est reconnue. Le Art et marges musée lui consacre une monographie, intime et touchante.

Bien entendu, on est loin des personnages mi-homme mi-Dieu de Iwajla Klinke. Mais finalement, ces deux femmes n’ont-elles pas en commun un même désir. Celui de mettre en lumière.

Et je termine par Jacqueline Vizcaïno.

De cette artiste, je ne sais rien. Ou pas grand-chose.

Je sais qu’elle est née le 24 mars 1937 à Gran, en Algérie. En 1962, elle rentre en France avec sa famille et s’installe à Livron, petit village de la Drôme près de Valence.

A l’âge de 60 ans, elle découvre la peinture qui deviendra une véritable obsession. Comment, pourquoi, dans quelles circonstances, … aucune idée ! Bien entendu, je pense immédiatement au peintre spirite Augustin Lesage. Peut-on parler ici de peinture médiumnique ? Si oui, quel a été le déclencheur de Jacqueline Vizcaïno ?

Une chose est certaine : ses iconographies oniriques sont exceptionnelles, de par leur richesse, leur complexité et leur précision. Jacqueline Vizcaïno a la virtuosité d’une dentellière, dit-on. Son travail d’orfèvre est aujourd’hui réputé.

L’univers chatoyant de Jacqueline Vizcaïno m’a rappelé les costumes traditionnels dont Iwajla Klinke s’inspire pour ses portraits.

L’élan de vie qui se dégage de ses œuvres gouachées s’apparente à celui qui anime les croquis d’Ariane Bergrichter.

Ces trois femmes ont conjointement participé à mon réveil artistique, après plusieurs mois de torpeur et d’ennui.

Alors, suis-je blasée ?

Non, il suffisait juste de me toucher en plein cœur… Comme l’ont fait si justement Iwajla Klinke, Ariane Bergrichter et Jacqueline Vizcaïno (…)

Inside-out galery :
https://insideoutartgallery.com
https://www.instagram.com/insideoutartgallery
https://www.facebook.com/insideoutphotogallery

Le Art et marges musée :
https://www.artetmarges.be
https://www.facebook.com/artetmarges

Artistes :
Iwajla Klinke
Ariane Bergrichter
Jacqueline Vizcaïno



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