« Remember Souvenir » par Denis Meyers

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Pharaonique. Titanesque. Introspectif. Colossal. Démesuré. Fantomatique. Éphémère. Immersif. Obsessionnel. Cathartique. Instinctif. Intime. Complexe. Abyssal. Vertigineux. Compulsif.

A l’adjectif, Denis Meyers préfère l’infinitif.

Jouer. Imaginer. Admettre. Tenter. Admirer. Juger. Attendre. Mourir. Semer. Participer. Chanter. Prétendre. Convertir. Réagir. Ordonner. Gifler. Aimer. Croiser. Calmer. Écouter. Risquer. Noyer. Jouir. Obéir. Perdre. Pondre. Gagner. Répondre. Crever. Tromper. Tenter. Mourir. Graver. Manipuler. Oser. Pardonner. Espérer. Croire.

Denis Meyers est artiste typographe. Un soir, il entend parler du projet de démolition de l’ancien bâtiment Solvay à Ixelles. Après trois ans de négociations, il reçoit l’autorisation d’investir les lieux jusqu’à ce que le bâtiment soit démoli. Le 29 septembre 2015, il commence à peindre.

Chaque jour, durant 8 mois, il se rend au 44 de la rue du Prince Albert. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il gèle, il est là. Il bosse seul, à la lumière du jour ou à la lampe frontale.

Il a un rituel. A chaque fois qu’une bombe de peinture est vide, il la jette dans la pièce dite « du sarcophage ». Le travail de la journée accompli, il revient sur ses pas et la range soignement. Au total, 1800 bombes seront utilisées. A quoi s’ajoutent 500 litres d’acrylique noir et l’équivalent de blanc. Au milieu des bombes vides, regroupées et ordonnées, un espace pouvant accueillir un corps. Entre mort et résurrection.

Durant ces 95 jours, l’artiste urbain s’approprie le bâtiment. La surface peinte est estimée à 25.000 mètres carrés. Les murs, les plafonds, les fenêtres, les portes, les placards, les sols, les escaliers, les caves, … tout y passe !

Son inspiration, Denis Meyers la puise dans 20 années de carnets de notes et de croquis. On retrouve ses « perso », visages au style reconnaissable. Des anonymes croisés ici et là, des DJ’s, des musiciens, des proches. Il y a aussi les extraits de textes et les jeux typographiques.

Cela dit, il ne se contente pas de reproduire impulsivement le contenu de ses carnets. L’oeuvre globale est pensée, elle s’articule autour du bâtiment avec, en toile de fond, une approche culturelle et événementielle. Le parcours est réfléchi en amont et scénographié par l’artiste.

Un fait récent dans l’histoire personnelle de Denis a toutefois influencé l’ensemble de l’oeuvre. Une rupture amoureuse, et son lot de souffrance, de regret, de tristesse, de doute, de déchirement, de culpabilité. Cela transparaît très clairement dans Remember Souvenir. « Ecrire, c’est se taire. C’est hurler sans bruit » disait Maguerite Duras. Créer devient un acte cathartique, libératoire. (re)construire. (re)naître. Progressivement, on passe de l’ombre à la lumière.

Denis est papa. Ca aussi c’est très présent dans Remember Souvenir. C’est d’ailleurs avec ravissement que l’on découvre, en milieu de parcours, une petite pièce aux murs colorés, recouverts de dessins d’enfants. Un oasis dans cette immensité où seuls le noir et le blanc sont admis.

Remember Souvenir est une oeuvre éphémère. Elle disparaîtra avec le bâtiment le 16 mai prochain. Denis en est conscient, tout comme il est conscient que, sans ce projet de démolition, Remember Souvenir n’aurait sans doute jamais vu le jour.

Il a tout mis en place pour que le côté éphémère de l’oeuvre devienne un atout. Des photos ont été prises tout au long des huit mois, par quatre photographes différents. Des documentaires vidéos ont été tournés. On est en plein dans l’art performance. Et comme tout grand performer qui se respecte, Denis Meyers se met en scène. Un visage christique, un décor post-apocalyptique, on se croirait presque dans « The road » de Cormac McCarthy, les zombies en moins. Sans oublier le coup de génie : sa collaboration avec l’artiste carolo à la tête de singe, Kid Noize. Le tout intelligemment diffusé sur les réseaux sociaux, comme savent si bien le faire les artistes 2.0.

Kid Noize n’est pas le seul artiste avec lequel Denis a collaboré pour Remember Souvenir. Parmi les artistes invités citons entre autres Arnaud Kool, Sébastien Alouf, Steve Locatelli et Gilles Parmentier.

Il s’est également associé à l’ASBL Arkadia qui organise des visites guidées de l’oeuvre. Parce qu’on ne déambule pas à sa guise dans l’âme / l’antre de Denis Meyers.

Notez, pour terminer, qu’il vous sera possible de repartir avec un morceau du bâtiment peint sur place. Des portes, des cloisons, des morceaux de murs sont en effet mis en vente dans le shop de l’exposition. Et, cerise sur le gâteau, l’artiste s’engage à venir compléter le dessin in situ.

Remember Souvenir, une rétrospective à voir !

Site officiel : http://www.remember-souvenir.me
Visites guidées : http://www.arkadia.be
Interview : Denis Meyers par Myriam Leroy

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