« Je prends des photos depuis que je suis né. Après être sorti du ventre de ma mère, je me suis retourné et j’ai photographié son sexe. »
Araki Nobuyoshi est né à Tokyo, le 25 mai 1940.
Son oeuvre se décline autour de deux grandes pulsions pour lui indissociables : le sexe et la mort.
On est un peu dans le même registre que H.R. Giger. Leurs oeuvres m’ont d’ailleurs semblées sensiblement proches. Elles ont évoqué chez moi la même sensation ambiguë, entre attraction et répulsion.
Araki est connu pour avoir levé les tabous d’une société où règne le non-dit.
Avec ses femmes encordées, il exploite l’art ancestral du kinbaku et choque le monde entier.
Pour l’artiste, il n’y a pourtant ni soumission, ni punition dans ses clichés. Il dit de la corde qu’elle est une caresse sur un corps. Et d’ajouter : « Je ligote le corps des femmes parce que je sais que je ne peux attacher leur âme. Seul leur physique peut être noué. »
Le regard de ses modèles est vide. Un regard fixe, sans émotion, presque désexualisé. On parle d’érotisme stoïque.
Pour le jeune Araki, la femme est un objet. Il l’assume et l’exploite. Tout change le jour où il rencontre celle qui deviendra l’amour de sa vie, son modèle et sa muse : Yōko.
Il l’épouse en 1971. Au retour de leur voyage de noce, il publie à compte d’auteur « A Sentimental journey ». Dans cet album, il compile les plus belles photos de leur lune de miel. Le côté intimiste et ultra personnel de ces clichés a l’effet d’une bombe. Araki est le premier à exposer sa vie privée de la sorte.
Par la suite, cela deviendra sa marque de fabrique. Araki photographie ses fleurs, son chat Chiro, son quartier, sa femme, ses amis, … tout ce qui lui est proche et familier. Son art est indissociable de sa vie privée. Pour l’artiste, « photographier revient à vivre ».
Yōko Araki décède en 1990 d’un cancer de l’utérus. Araki immortalise ces derniers instants de vie et de mort dans un album intitulé « Voyage d’hiver ». Pour certains, le plus bel hommage jamais rendu à une femme.
Là aussi, son histoire rejoint celle de H.R. Giger. Après le décès de Yōko, les oeuvres de Araki s’assombrissent. Ses photos tordent et révulsent avec plus de violence et de noirceur. « Après la mort de Yoko, Araki a divagué. Il a fait poser des étudiantes nues. Expérimenté des scènes très crues. Du bondage à satiété. »
Araki Nobuyoshi dit aimer les femmes. « La femme a tous les charmes de la vie. Elle en a tous les éléments essentiels : la beauté, la laideur, l’obscénité, la pureté, … Dans toute femme, il y a le ciel et la mer. » (…) « Les femmes vous apprennent bien plus de choses sur la vie que la lecture de La Comédie humaine de Balzac. Je ne lis plus depuis que je suis sorti de l’école primaire. Je crée ma vie en recontrant des femmes. »
Ok, sur papier, ça marche. Pour avoir visionné plusieurs de ses séances photos, j’ai tout de même été dérangée par l’attitude d’Araki envers ses modèles. Modèles ET maîtresses. « Beaucoup de photographes profitent de la séance photo pour baiser ensuite leur modèle. Araki fait l’inverse : il les baise, puis il les prend en photo ». Il dit toutefois préférer de loin la photographie au sexe. Et d’ajouter : « D’ailleurs, dans l’acte sexuel, je suis de deuxième, voire même de troisième classe. »
Araki Nobuyoshi est sauvage, obsessionnel, compulsif. Il mitraille. Passe de l’argentique au polaroïd. « Il shoote comme il respire. »
Son oeuvre compte plus d’un million de clichés. Une des productions les plus colossales de l’histoire de la photographie.
Si j’aime Araki ? Pour être honnête, j’ai un peu de mal avec le côté « lutin lubrique » du personnage. Je me sens plus proche d’un H.R. Giger (et oui, encore lui ;), tout entier dans la retenue, la fragilité et le mystère.
Pour ce qui est de son oeuvre, disons qu’elle a le mérite de ne pas me laisser indifférente. N’est-ce finalement pas ce que recherche tout artiste ? Provoquer une émotion, quelle qu’elle soit (…)