
Je me suis enfilée coup sur coup la Collection de l’Art Brut (jour 1) ET le H.R. Giger Museum (jour 2) ! Et bien, je vous assure qu’après ça, vous n’aspirez plus qu’à une chose : la légèreté.
Jour 3 : j’arrive devant le mudac, le Musée de design et d’arts appliqués contemporains de la ville de Lausanne. La thématique de l’exposition temporaire ? Sains et saufs. Surveiller et protéger au 21è siècle. Et là vous vous dites : c’est reparti pour un tour ! Sécurité des citoyens, anticipation du danger, deni de la mort, …
Si ça me parle ? Evidemment que ça me parle ! J’habite Bruxelles. Je passe plusieurs heures par jour dans les transports en commun. Les dernières semaines, j’ai du croiser entre 300 et 400 militaires. L’un d’eux m’a dit (grosse voix) : « Ne prenez pas CE tram Madame, ILS sont passés par là… » EVIDEMENT QUE CA ME PARLE !
Bref.
(petite voix) « Bonjour. Une entrée pour le musée s’il vous plaît. »
Le point de départ de l’exposition est donc l’obsession sécuritaire. Le fait que « la société actuelle regorge d’instructions et de procédures relatives à la sécurité et à l’anticipation des dangers ».
Les oeuvres exposées traitent toutes, de près ou de loin, de l’épineuse question de la sécurité. D’où nous vient ce besoin de tout contrôler ? Serions-nous sur-protégés ? La protection est-elle un dû ou un luxe ? L’obsession sécuritaire pourrait-elle mener à une perte totale de liberté ? Comment appréhender le paradoxe selon lequel il n’y a pas de protection sans peur, ni de désir de sécurité sans danger ? Toute une série d’interrogations hautement sociologiques / philosophiques abordées avec dérision, humour et intelligence.
Je n’avais plus autant ri / souri à une exposition depuis I BELGI. BARBARI E POETI.
Un double coffre-fort (par Bujar Marika), il fallait y penser tout de même ! Idem pour l’installation participative de Shilpa Gupta. Le visiteur est invité à emporter un savon sur lequel est gravé le mot THREAT (MENACE). Il empoigne ainsi en quelque sorte la menace qu’il fera ensuite disparaître (sous sa douche). Originale également la démarche de Christien Meindertsma. Dans Checked Baggage, elle recense plus de 3264 objets confisqués aux contrôles de sécurité de l’aéroport de Schiphol (Amsterdam). Les objets sont photographiés sur fond blanc à la manière des pièces à conviction. Symboliquement très fort, le lit grillagé de Dejana Kabiljo. Plus décalé, le Drome Survival Guide de Ruben Pater, un poster recensant tous les types de drones à la manière d’un manuel ornithologique. Ou le Sleep Suit de Forrest Jessee, un cocon protecteur en mousse qui permet de s’endormir à peu près n’importe où. Ou encore le surveillance chandelier de Humans since 1982, un chandelier fait de caméras de surveillance. Ironique à souhait, la table antisismique de Martino d’Esposito dont l’équipement de survie comprend, entre autres, une bouteille de whisky et… un magazine pour adulte. Ou ce sac en papier du Centre Martin Luther King sur lequel est indiqué la marche à suivre en cas d’attaque nucléaire : « Ce sac est un abri de poche – Si vous avez peur de l’escalade nucléaire prenez-le toujours avec vous pour vous rassurer – Utilisation en cas d’attaque nucléaire: 1 Dépliez l’abri, 2 Retournez-le sur votre tête, 3 Attendez la fin ! – Garanti aussi efficace que votre abri de protection civile ! ».
C’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim. Qu’il est passionnant de voir des artistes, des photographes et des designers réagir à des sujets sociétaux. Avec Sains et Saufs, l’espace muséal devient un vrai lieu d’échange et de réflexion. On y aborde de problématiques actuelles, qui nous concernent directement.
« Au Mudac, on aime se poser ces questions anthropologiques sans forcément y répondre, on aime travailler avec ces grandes thématiques en lien avec nos vies. C’est un peu notre marque de fabrique. » (Chantal Prod’hom, directrice)
Vivement que ce genre d’expositions débarquent en Belgique !
Sains et Saufs. Surveiller et protéger au 21e siècle
mudac (Lausanne, Suisse)
Jusqu’au 21 août 2016
http://www.mudac.ch






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