Qu’est-ce qui fait que j’ai eu envie de rencontrer Thibault Feron ? Moi qui, dès qu’il s’agit d’art, suis plutôt discrète.
Tout est parti d’une exposition collective organisée par le Service de la Culture de Bruxelles. Parmi les six cents œuvres exposées, une sculpture métallique signée Thibault Feron. L’œuvre sort clairement du lot !
« Thibault Feron est en Master 2 à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles et sculpte le métal depuis 5 ans. » Le calcul est vite fait : il doit avoir 25 ans, 26 à tout casser !
Me voilà avec une idée fixe : rencontrer celui qui, du haut de son quart de siècle, a conçu cette sculpture puissante et expressive. Qui est-il ? Quel est son parcours ? Quelles sont ses influences ?
Je me lance un défi : si cette oeuvre remporte un prix, je contacte l’artiste !
Bingo ! Le prix du public ! Je prends donc mon courage à deux mains et envoie un message à Thibault Van den Branden AKA Thibault Feron.
Il me donne rendez-vous, quelques jours plus tard, à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.
Sur place, je découvre une seconde sculpture monumentale : Dieu. Un ange déchu, aux ailes déployées, à la fois menaçant et protecteur. Une épée de Damoclès moderne qui rappelle au commun des mortels sa fragilité, son impermanence. On entre dans le vif du sujet ! Pour Thibault, « la mort n’est pas négative, elle est naturelle ». « On n’est jamais autant vivant que quand on est proche de la mort », ajoutera-t-il.
Le travail du métal, Thibaut l’a découvert à 18 ans. C’est un autodidacte. Il travaille par essais erreurs, en suivant son intuition. Son nom d’artiste « Feron » vient de sa mère dont le père travaillait dans les chemins de fer. Quant au nom du côté paternel, Van den Branden, il peut se traduire par « brûlé, « du feu ». Tiens donc…
Ses premières sculptures sont intitulées « squelettes ». Cinq séries au total. Thibault travaille alors principalement à l’aide de barres métalliques qu’il sculpte et assemble. Par la suite, sa technique évoluera avec le travail des plaques métalliques et la mise en mouvement des sculptures. Suivra une recherche, toujours en cours, sur les matières et le rendu.
En 2013, Thibault Feron est pour la première fois invité à participer à une exposition collective organisée à l’Abbaye de Forest. L’année suivante, il participe au parcours d’artistes (Saint-Gilles).
Il y a également les stages. Celui à la Zinneke Parade, celui aux Ateliers de la Monnaie. Et celui à venir, en avril, à la prestigieuse Compagnie La Machine de Nantes.
Thibaut est jeune. Un jeune chien fou. Il a un côté nerveux, impulsif, rebelle et iconoclaste. Mais quand on lui demande s’il est punk ou anarchiste, il répond : « Je suis tout. C’est dangereux de dire je suis ceci ou cela, c’est se mettre à part ». Et d’ajouter : « Je ne veux pas me définir ! »
Je l’ai trouvé féroce aussi. A l’image des ses créatures. Mais comme elles, il est également tout en courbes et en rondeurs.
Un loup. Un chef de meute.
La meute justement, parlons-en. Le travail collectif et l’esprit de cohésion, voilà deux moteurs importants pour Thibault Feron. Il aime travailler dans l’atelier collectif de l’Académie, entouré de ses « potes » avec lesquels il peut échanger.
Thibaut ne se projette pas dans l’avenir. Il vit au jour le jour. D’ailleurs, c’est drôle, il vit comme il sculpte. Pas de dessins préparatoires, pas de plans sur la comète, il y va au feeling, à l’intuition. Quand il crée, il commence toujours par la tête, le reste suit naturellement. Presque comme de l’écriture automatique. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, Thibault Feron a fait référence au Surréalisme lors de la discussion. « Mes sculptures ne représentent pas la réalité, elles représentent ma réalité, un peu à la manière des Surréalistes. »
Son art, Thibault le veut « décalé ». Décalé par rapport à la dématérialisation qui gouverne le marché de l’art. Décalé par rapport au diktat de l’art conceptuel. Il défend un art non élitiste, accessible à tous. N’en déplaise aux membres du jury de l’Académie.
Pourquoi le métal ? Parce qu’il résiste à tout et ne peut être détruit. Parce qu’il laissera une trace. « Mes sculptures vivront bien plus longtemps que moi. Par elles, mes idées, mes idéaux et mes convictions continueront d’exister. »
Pourquoi les animaux ? Parce que Thibault les aime et qu’ils offrent une multitude de possibilités. Et aussi parce qu’on a tous un côté sauvage, animal.
Pourquoi artiste ? Parce qu’il n’y a pas de plus beau métier que d’être libre et de créer librement.
Et quand je lui demande s’il faut être « blessé » pour devenir artiste, il me répond avec maturité et sagesse : « Il n’y a pas de haut sans bas ; tu ne peux pas être heureux sans avoir été malheureux un jour ; un artiste est un homme comme les autres. »
Pour Thibault Feron, ce sont les artistes qui font évoluer le monde. Son modèle ? Hans Ruedi Giger, plasticien, graphiste, illustrateur, sculpteur et designer suisse. Le créateur de l’Alien de Ridley Scott. Une de ses nombreuses sources d’inspiration.
Une fois son diplôme sous le bras, Thibaut s’en ira, quelque temps. En Australie, en Nouvelle Zélande, par là. Il partira pour se ressourcer et revenir plus riche.
On lui souhaite bon vent. Qu’il nous revienne encore plus intègre, déterminé, créatif, déjanté, visionnaire et plein de vie.
VIVANT, c’est d’ailleurs l’adjectif qui lui va le mieux je trouve.
VIVANT et entier, sans demi-mesure.
Un diamant à l’état brut.
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