J’aime l’art. Mais pas que !
J’aime plein d’autres choses, dont le cinéma.
Pixadores est le premier documentaire de Amir Arsames Escandari sorti en novembre 2014.
Le pixação est une forme de graffiti née début des années 60, dans les quartiers pauvres de Sao Paulo au Brésil.
Les graffeurs sont appelés « pixadores ».
Les graffs, des « pixos ».
Graff : « Inscription calligraphiée ou dessin tracé, peint ou gravé sur un support qui n’est normalement pas prévu à cet effet et qui a vocation d’être artistique contrairement aux tags ».
Les pixos sont peints illégalement sur des points élevés et inaccessibles. Les pixadores, appelés aussi « les graffeurs acrobates », pratiquent l’escalade sauvage en milieu urbain. Les façades, ils les escaladent le plus souvent de nuit et sans aucune sécurité. C’est d’ailleurs la prise de risque que les pixadores revendiquent, plus que la dimension esthétique de leur intervention.
Autre particularité : le style unique de l’alphabet utilisé par les pixadores. Le pixos se caractérise par un tracé angulaire rappelant le lettrage runique. Un rendu stylistique (lettres noires triangulaires) du, notamment, à l’utilisation de la peinture au rouleau et à des conditions de peinture extrêmes. Mais aussi au fait que les premiers pixadores, fans de heavy métal, s’inspirèrent de l’esthétique de groupes comme Iron Maiden.
Les pixadores grimpent pour affirmer leur identité, pour prouver au monde qu’ils existent, pour se réapproprier l’espace urbain : « Les murs de la ville sont nos livres » ; « Je m’évade grâce au pixação, je peins ma colère » ; « C’est comme être en guerre, notre arme est la peinture » ; « Ton nom est la seule chose que tu possèdes, c’est la première chose que tu reçois » ; « On fait ça pour qu’on remarque notre existence » ; « Le pixação est un outil de révolution » ; « On vit dans une ville de murs. Les murs séparent les gens, ils les empêchent de se retrouver. Dans le pixação, personne ne possède rien. La ville appartient à tout le monde ».
Un jour, le groupe de pixadores filmé par Amir Arsames Escandari reçoit une invitation pour la prestigieuse biennale d’art contemporain de Berlin. Ils acceptent.
D’un côté les organisateurs allemands, guindés et rigides. De l’autre, les pixadores, libres et sauvages. Ils sont invités à peindre dans une église, sur des panneaux car le bâtiment – historique – est classé. Et là, tout part en couille :) Les pixadores refusent catégoriquement le cadre imposé et escaladent les murs de l’église qu’ils couvrent de pixos, sous le regard horrifié du commissaire de l’exposition (qui terminera peinturluré). « Ils ont cru qu’on était des petits animaux dans une cage. Mais ils avaient tort. Ils n’ont pas accepté qu’on soit des pixadores ».
Le choc est à la fois culturel et artistique. Il est passionnant. Pourquoi vouloir cadrer les pixadores alors que précisément le pixação prône l’anarchie et la contestation ? « Nous défions l’autorité comme un moyen d’établir la liberté » ; « Le pixação a une notion de transgression, on ne cherche pas les lieux confortables » ; « On n’a pas l’habitude de peindre des pixos en toute légalité, sans conflit. On a l’habitude de fuir la police ».
Le pixação, street art ou vandalisme ? Performance artistique ou pollution urbaine ? Créativité ou anarchie ?
Et d’ailleurs, pourquoi se poser la question ? Puisque les pixadores eux-mêmes rejettent les galeries d’art ? « Les pixadores, revendiquent leur indépendance et refusent que leur art soit institutionnalisé comme un art quelconque et commercial » ; « Un pixador, qui quitterait la rue pour travailler dans le champ de l’art, que ce soit une galerie ou un autre espace de ce type, risquerait de perdre la vraie raison qui se cache derrière le fait d’être un pixador ».
Bref.
Pixadores un film à voir !
Et pour ceux et celle que le sujet intéresse, quelques articles intéressants :
La pixação : expression urbaine artistique et vandale ou « l’art en tant que crime »
La pixação : quant l’art urbain devient une acrobatie anarchique
Entretient avec Cripta Djan : le pouvoir du pixação
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