Il y a quelque chose de tragique dans l’œuvre de TR Ericsson.
Aristote disait de la tragédie qu’elle avait pour objectif de susciter « la pitié et la crainte ». La crainte pour soi-même et la pitié pour autrui.
Ai-je éprouvé de la pitié en découvrant l’œuvre de TR Ericsson ? Non. De la compassion, oui.
Ai-je éprouvé de la crainte ? Evidemment. Ne nous renvoie-t-il pas à notre propre impermanence, à notre propre fragilité ?
« Crackle and Drag » est un projet né en 2003, suite au suicide de Susan Robinson, la mère de l’artiste alors âgée de 57 ans.
Ce titre fait référence au dernier poème de Sylvia Plath, écrit peu avant sa mort, en 1963 : Edge (Extrémité). « Et ses ténèbres craquent, et ses ténèbres durent. »
Parallèlement au douloureux travail de deuil, TR Ericsson entame en 2003 un travail de mémoire et d’archive. Méthodiquement, il répertorie chacun des objets ayant appartenus à sa mère et à ses grands-parents.
Ce matériel brut – qu’il s’agisse de photos de famille, de lettres, de cigarettes, de messages vocaux, de disques, … – est alors élevé au rang d’art. A la manière des artistes de pop-art, soucieux de désacraliser l’art jusque-là réservé aux élites.
L’exposition « Industrial Poems – Poèmes Industriels » que propose actuellement la galerie bruxelloise Harlan Levey Project s’inscrit dans ce projet ombrelle « Crackle and Drag ».
Résolument immersive, elle plonge le visiteur dans l’univers intimiste de Susan Robinson, une femme fragile et instable. Elle met en scène ses démons : sa dépendance affective, ses addictions à l’alcool et à la cigarette, son combat contre la dépression, …
Réalisée cette année en hommage à Marcel Broodthaers, l’œuvre phare de cette exposition est résolument « Can you hear her blacks crackle and drag ? ». Au total, vingt-neuf moules en polystyrène noir, créés à partir des objets ayant appartenus à Susan Robinson et laissés derrière elle après sa mort. Ses cigarettes. Ses lunettes. Sa carte de crédit. Des objets conservés intacts par l’artiste de 2003 à aujourd’hui…
Par le biais de toiles, d’enregistrements, de photos, de sculptures, de vidéos, d’installations, … TR Ericsson nous conte une histoire, SON histoire. Et celle de sa famille. Une histoire triste, c’est vrai, mais une histoire qui a le mérite d’aborder des thèmes universels comme l’amour, le lien, la perte, le manque, le vide, le chagrin, le deuil, le souvenir, …
« There was no one to call now. And she would never call again. »
L’œuvre est complexe, à l’image de son auteur. Cultivé, passionné d’art, de littérature, de philosophie et de poésie, TR Ericsson sème ici et là de subtiles indices, destinés aux seuls initiés.
« Industrial Poems – Poèmes Industriels » est une exposition singulière, qui se démarque par sa sincérité et sa profondeur.
Mon ultime coup de cœur de cette édition 2018 du Brussels Gallery Weekend (…)
Harlan Levey Projects
Rue Jean d’Ardenne 46
1050 Ixelles
Ouvert les mercredi et samedi, de 13.00 à 19.00, sur rendez-vous
Tél : +32 (0) 485 699 146
Email : info@hl-projects.com
Site web : http://hl-projects.com
Facebook : https://www.facebook.com/HarlanLeveyProjects
Instagram : http://instagram.com/harlan_levey_projects








