Arno a dit un jour : « On est moche, mais on s’amuse ».

Je trouve que cette phrase résume assez bien la culture belge.

Avec I BELGI. BARBARI E POETI, on est dans le même registre : celui de l’auto dérision, de l’ironie, du contre sens, du décalé, de l’humour mais également celui de la douceur, de la finesse, de la poésie.

« Ma mère elle m’écoute toujours
Quand je suis dans la merde
Elle sait quand je suis con et faible
Et quand je suis bourré comme une baleine
C’est elle qui sait que mes pieds puent
C’est elle qui sait comment j’suis nu
Mais quand je suis malade
Elle est la reine du suppositoire »

Les Belges. Poètes et Barbares.

J’ai du avoir le flyer une demi douzaine de fois dans les mains avant de me décider. A chaque fois, il valsait à la poubelle. Pourquoi ? Parce qu’il me faisait peur. Le Christ bouffé par les vers, un clown écorché vif, des crânes narquois. J’imaginais un club échangiste, sado maso, dans lequel des rites sataniques auraient secrètement lieu (…)

Rassurez-vous, il n’en est rien ! ;)

I BELGI. BARBARI E POETI nous arrive tout droit de Rome (plus exactement du MACRO, Museo d’Arte Contemporanea di Roma) où elle a attiré plus de 60.000 visiteurs.

Aujourd’hui, et jusqu’au 24 janvier 2016, elle investit l’espace Vanderborght, situé à l’entrée des galeries du Roi et de la Reine, près de la Grand-Place de Bruxelles. Un endroit emblématique pressenti (ou pas) pour accueillir (peut-être) un jour les collections d’art moderne et contemporain des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.

Sas : compartiment qui sépare des milieux où la pression n’est pas la même. C’est comme ça que j’appellerais la première salle de l’exposition, celle qui accueille le visiteur à son arrivée. Elle le prépare, le met en condition. On peut y admirer les oeuvres des grands noms de l’art belge du XXème siècle : Paul Delvaux, Constant Permeke, Leon Spilliaert, René Magritte, Christian Dotremont, Marcel Broodthaers, Panamarenko, Pierre Alechinsky, Marcel Marien, James Ensor, Félicien Rops, … Rien que cette salle vaut le détour ! Tout est déjà là : l’approche décalée, la liberté, l’auto dérision, la provocation, l’étrangeté, l’ambiguité, le lyrisme, la poésie. Si le barbare est l’Autre, l’Etranger, l’Insoumis… alors oui, nos artistes belges l’étaient, incontestablement.

Ca, c’est la mise bouche. Ce qui suit est juste GARGANTUESQUE !

Cinq salles d’art contemporain où règne la subversion, l’audace, la provocation, l’impolitiquement correct. J’ai ri, beaucoup. Aux éclats parfois. J’ai ri en découvrant ‘Insectes et Christ en métal’ de Vincent Solheid, ‘The Unicorn’ ou ‘Pro-Historic’ de Koen Vanmechelen, ‘Double Helix Crossed Crucifix » de Wim Delvoye, ‘Ni un paso atras’ de Johan Muyle, ‘Funeral fish’ de Pascal Bernier, « Who is Afraid by Black, Yellow and Red?’ de Michel Mouffe, ‘Scorie della vita’ de Alessandro Filippini, ‘Ne pas rêver’ de Leo Copers, … Vous savez, ce rire spontané qui vous échappe alors que le sujet est dramatiquement grave. Mais c’est que les artistes belges vous prennent par surprise. Ils sont redoutables d’humour et d’intelligence. Et attention, attendez-vous à rire du pire car ils n’ont peur de rien, ni du grotesque, ni du tragique.

J’ai vibré aussi. Devant ‘The birth’ de Patrick Van Roy, ‘Le corps du Christ’ de Vincent Solheid, ‘Inside me’ de Berlinde De Bruyckere, ‘Accident de chasse’ de Pascal Bernier, ‘Skull’ de Jan Fabre, ‘Mécaniques Discursives’ de Fred Penelle & Yannick Jacquet. Des oeuvres à la fois iconoclastes et tendres.

Y a-t-il un art belge ? Existe-t-il une identité artistique belge, une filiation (même inconsciente) entre nos artistes ? C’est la question que soulève Antonio Nardone, galeriste, entrepreneur culturel et commissaire de l’exposition. Sa réponse ? « S’il est Barbare et Poète, oui ! ». Et c’est exactement ce qui ressort de I BELGI. BARBARI E POETI.

Pendant deux heures, je suis retombée en enfance. Vous savez, cette période de la vie où tout est simple, tout est possible. Cet âge où on est libre, débridé, insouciant, rêveur, intrépide, turbulent, joueur, audacieux, rebelle. Et si c’était ça, justement, le point commun entre tous ces artistes… Cette capacité à retourner dans l’enfance, au temps où nous étions tous, vous comme moi, Barbares et Poètes.

I BELGI. BARBARI E POETI
Espace Vanderborght, au 50 rue de l’Ecuyer à 1000 Bruxelles
Jusqu’au 3 janvier 2016 (prolongations jusqu’au 24 janvier 2016)
http://www.ibelgi.org