Eloge de la fragilité

GB58, Fragil, samedi 10 octobre 2015
GB58, FRAGIL, samedi 10 octobre 2015

Facebook, Instagram, Twitter …  Aujourd’hui, il est devenu difficile (voire impossible) de passer à côté d’une expo, aussi petite et insignifiante soit-elle.

Mais étonnement, je n’avais pas entendu parler de FRAGIL. Cet expo a attiré pour la première fois mon attention lors de la Nuit Blanche, le 3 octobre dernier. J’ai pensé qu’il s’agissait d’un happening éphémère organisé pour l’occasion.

La seconde fois, ce fut mercredi dernier. Pressée, je ne fis que passer la tête, fortement intriguée par deux choses : le nom d’Elodie Antoine (artiste belge dont j’adore l’approche organique et sensorielle) et la mention « entrée libre ».

OUI, cette expo était bien gratuite… et OUI, Elodie Antoine était bien de la partie. Cerise sur le gâteau, je reçu quelques mots d’explication de jeunes gens tout à fait symathiques et quittai les lieux avec, dans les mains, un catalogue GRATUIT, complet et soigné.

La troisième fois fut la bonne ! Hier, je visitai enfin FRAGIL, une exposition rassemblant les oeuvres de 17 artistes autour du thème de la prochaine Zinneke Parade qui aura lieu le 21 mai 2016.

Mais quelle merveilleuse idée que celle de transformer l’ancien supermarché GB du bâtiment « 58 » en salle d’exposition. Vous savez, l’ancien Carrefour situé derrière la Bourse, à quelques mètre du Delhaize. J’aime ça, vraiment ! Que l’art sorte des musées et investisse des endroits aussi improbables qu’un ex-Carrefour, un bâtiment emblématique, brut, vide, quasi à l’abandon. Et ce, en plein centre-ville, piétonnier du surcroit.

Par chance, il n’y avait personne lorsque j’ai commencé ma visite. Et je vous assure que se retrouver seul dans cet espace industriel, sombre et froid, où résonne le son des différentes installations, est plutôt impressionnant.

Les oeuvres sont à portée de mains. Pas d’agent de surveillance, pas de barrière de protection, pas de caméra.

Mais entrons dans le vif du sujet !

A l’entrée : les dessins grands formats à la plume et à l’encre de chine de Priscilla Beccari. Le rendu gras, poisseux, déchiré, assymétrique introduit le thème de la visite. Des silhouettes mi-humaines, mi-animales nous ouvrent la voie.

Une voie sans issue. L’artiste Maarten Gielen nous renvoie à la fragilité universelle avec ce rhinocéros empaillé, sans corne, provenant du Musée Royal de l’Afrique Centrale de Tervuren. Ou comment une pièce sortie de son espace d’exposition peut refléter une toute autre image, véhiculer un tout autre message.

Plus loin, Elodie Antoine nous émeut une fois de plus avec « Le ver », une vidéo en plan fixe d’un papier à cigarette roulé et déposé sur un réseau de gouttes d’eau. Et si ce destin anodin et tragique nous renvoyait à notre propre histoire à tous.

Mais qu’est ce qui nous rend fragiles finalement ? Qu’est ce qui provoque la fragilité chez nous, les êtres humains ? C’est la question que se pose Charlotte Marembert avec « Au delà de » : douze pans de tissus suspendus à hauteur d’homme, sur lesquels l’artiste a brodé au fil blanc, en ton sur ton, des méthodes de torture psychologique. Déstabilisante, cette oeuvre d’apparence légère, lumineuse et poétique évoque la cruauté avec froideur. Les tissus utilisés sont hydrosolubles, comble de la vulnérabilité.

Antone Israel et son « Hommage à Z » nous offre une installation vidéo dans laquelle la péllicule vient traverser l’écran. Le mouvement rappelle celui des vagues projetées. Outre la très belle symbolique, j’ai aimé le bruit lancinant de la bande qui défile, rappelant lui aussi le roulement des vagues.

Aaaahhhhhh et puis, il y eut Mauro Paccagnella & Eric Valette et leur Fragility Training Institute. Drôle, décalé, percutant, j’ai adoré le concept : une installation vidéo propose une réflexion sur la fragilité ainsi que des exercices pratiques permettant son apprentissage. Imaginez : vous êtes attablé à une grande table en bois au beau milieu de l’espace GB58 à peine éclairé, un casque audio sur les oreilles. Autour de vous, des parfaits inconnus. A l’extrémité de la table, un moniteur. On vous demande alors de penser à la partie de votre corps que vous aimez le moins. Vous le visualisez, longuement. Ensuite, on vous demande de regarder les autres personnes assises autour de la table. Nous devions être 5 ou 6. Imaginez à présent la partie de leur corps qu’ils aiment le moins, qu’ils détestent même. Jusque là, tout va bien. C’est alors qu’on vous demande de montrer à tous cette fameuse partie du corps : levez-vous sur votre chaise, enlevez le vêtement qui vous empêche de le montrer au groupe, … Bien entendu, nous sommes tous restés le nez dans le guidon, notre fragilité plus exposée que jamais. 30 minutes plus tard, on sort de cette expérience troublé. Autant part l’effet miroir de l’exercice que par le contre sens des images versus la linéarité du discours.

Allez, un dernier mot d’une oeuvre monumentale, plus par son message que par sa taille : « En attendant le changement climatique » d’Isaac Cordal. L’installation, à même le sol, met en scène de minuscules hommes d’affaires immergés, immobilisés, pris au piège. Une manière originale de mettre en lumière notre fragilité, notre petitesse face à la nature.

Y en a plein d’autres des oeuvres au GB58, d’artistes aux disciplines et aux univers variés.

Mais je vous les laisse découvrir, de visu ;)

EXPO FRAGIL
du 18 septembre au 18 octobre,
accessible du mercredi au dimanche de 11h à 19h
au GB58 (ex-Carrefour), rue du Marché aux Poulets 5 à 1000 Bruxelles
Plus d’infos sur le site web ou sur la page Facebook

GB58, Fragil, samedi 10 octobre 2015

GB58, Fragil, samedi 10 octobre 2015

GB58, Fragil, samedi 10 octobre 2015

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GB58, Fragil, samedi 10 octobre 2015

GB58, Fragil, samedi 10 octobre 2015

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