Pendant plus de dix ans, j’ai vécu en plein centre-ville. J’ai donc pour ce quartier une tendresse toute particulière.
Quel ne fut pas mon bonheur d’y découvrir, le long de l’emblématique bâtiment « 58 », une fresque de l’artiste liégeois Pso Man.
Une œuvre qui s’inscrit dans un projet plus large initié en juillet dernier par l’asbl Costik, en collaboration avec la ville de Bruxelles : le M.U.R. Brussels.
Le concept ? Remplacer les affiches publicitaires par… des œuvres d’art ! Et créer ainsi un espace d’exposition non marchand, à ciel ouvert.
Né à Paris en 2003 à l’initiative de l’association française du même nom, le M.U.R. (Modulable Urbain Réactif) est aujourd’hui présent dans 14 villes de France et remporte un franc succès. Chacun des 14 M.U.R remplit son rôle à la perfection, à savoir faire voler en éclats les barrières symboliques de l’art et sensibiliser un large public aux arts contemporains.
Ce mercredi 29 septembre, c’est une troisième œuvre éphémère qui a été inaugurée à Bruxelles : une fresque signée Aien7 et Ebo, membres du collectif belge Délit2fuite.
Dans le cadre de cette inauguration, j’ai eu la chance d’échanger avec Noemie Tant, Coordinatrice du projet.
Découvrez son interview et filez ensuite au centre-ville, rue du Marché Aux Poulets, à deux pas de la Bourse.
Sur place, photographiez, postez, taguez, partagez ! Bref, soutenez l’art urbain et cette belle initiative qu’est le M.U.R. Brussels.
Y a-t-il un lien entre le M.U.R. Brussels et les initiatives françaises ?
Tout à fait. Avant de lancer le projet à Bruxelles, nous avons contacté l’association française qui est à l’origine du concept. Ils ont tout de suite accepté que l’on reprenne le projet ici et étaient d’ailleurs très content que le projet s’exporte à l’étranger. Rappelons d’ailleurs qu’il s’agit d’un projet engagé car le principe est de transformer un panneau publicitaire en un espace d’exposition artistique non marchand là où les murs sont sans cesse récupérés à des fins commerciales.
Le M.U.R. Brussels est le premier en dehors de la France. J’espère que d’autres pays, d’autres structures lanceront à leur tour ce beau projet… D’ailleurs, nous sommes tout à fait disposés à les aider si l’occasion se présente.
Quel est le rôle de l’asbl Costik ?
Costik est la structure qui coordonne le projet dans sa globalité. Nous nous efforçons de donner les moyens nécessaires aux artistes pour qu’ils puissent travailler dans un contexte aussi bien humain et légal que professionnel.
Par ailleurs, en plus de la visibilité qu’offre l’emplacement du panneau situé en plein cœur du centre-ville, nous avons mis en place une communication pour chaque artiste exposant grâce au soutien du service presse de la Ville de Bruxelles et d’une attachée de presse que l’on a engagé en interne qui relaye l’info sur les réseaux sociaux et à d’autres instances culturelles, touristiques, etc.
Mataone, Pso Man, Aien7 et Ebo, … Que des artistes belges ?
Uniquement durant la première année. Nous voulons mettre en avant la scène belge, sa diversité et faire découvrir au grand public des artistes issus d’une scène dite alternative.
Est-il prévu d’élargir l’initiative à des artistes étrangers ?
Oui. Nous avons déjà reçu des demandes de la part d’artistes français, italiens, marocains… A partir de la 2ème année, nous allons alterner artistes belges et artistes étrangers.
Sur quels critères choisissez-vous les artistes invités ?
Tout d’abord, les artistes doivent être capables de réaliser une œuvre grand format en très peu de temps. Ensuite, nous nous basons sur la qualité de leur travail et sur leur démarche artistique. Dans un premier temps, nous avons sélectionné des artistes que l’on voulait absolument mettre en avant. Pour la suite, nous allons créer un petit comité de sélection composé de personnes venant d’univers artistiques différents afin que la sélection soit la plus éclectique et diversifiée possible.
Sont-il rémunérés ?
Oui. Nous leur offrons un cachet artistique ainsi qu’un défraiement pour le matériel. Comme il s’agit d’un projet légal qui se présente sous forme de commande, nous pensons qu’il est essentiel de valoriser tant leur savoir-faire que leur talent.
Les artistes sont-ils libres dans le choix du sujet ou y a-t-il des guidelines, une thématique ?
Les artistes sont 100% libre. La seule contrainte qu’on leur impose est de ne faire aucune discrimination envers autrui.
Pourquoi Aien7 & Ebo, dont vous venez d’inaugurer la fresque ? Quelle est leur particularité ?
Il s’agit de 2 artistes incontournables dans le mouvement artistique urbain. Ils sont passés maîtres dans l’art de l’illustration et nous entraînent dans un univers déjanté avec leurs personnages hauts en couleurs réalisés aux sprays aérosols. De plus, leur univers est très différent de celui de Psoman ou encore de Mataone, les 2 premiers artistes exposants.
Ça se passe toujours de la même manière : une performance publique suivie d’une inauguration ?
Effectivement. Les artistes invités sur le M.U.R. doivent réaliser l’œuvre endéans les 4 jours qui précèdent le vernissage. Le fait de travailler dans la rue, sans barrière et d’une manière légale, permet de créer des interactions spontanées entre le public et l’artiste exposant. Jusqu’ici, les réactions sont très positives. Les passant nous donnent leur avis, s’interrogent sur l’œuvre qui se créée devant leur yeux et peuvent poser des questions directement à l’artiste. En offrant un espace d’exposition comme celui-ci, nous voulons interpeller les gens, donner de la visibilité aux artistes mais surtout rendre l’art accessible à tous. Nous nous sommes rendu compte que 80% des passants sont réactifs et cela quel que soit leur âge, leur milieu socio-culturel, leurs origines…
Il y aura donc une intervention par mois… Mais jusqu’à quand ?
Le bâtiment sur lequel est placé le M.U.R. sera détruit début 2018, d’ici là, nous devrons trouver un nouvel espace pour placer le panneau. Mais tant que nous trouverons les moyens humains et financiers pour faire fonctionner le projet, il n’a pas de limite dans le temps et nous continuerons à maintenir la cadence d’un artiste différent tous les mois.
Le Ville de Bruxelles soutient-elle cette initiative ?
Oui, nous sommes soutenu par la Ville de Bruxelles et plus particulièrement par Karine Lalieux et son équipe qui soutiennent le projet tant humainement que financièrement.
Comment préservez-vous le M.U.R. des tags et actes de vandalisme éventuels ? C’est un problème à Bruxelles ? Plus qu’ailleurs ?
Nous ne sommes pas à l’abri d’éventuels actes de vandalisme sur l’œuvre mais je pense que comme il s’agit d’un projet qui n’a aucun but commercial et qui met en avant des artistes issus, pour la plupart, du mouvement graffiti, les œuvres seront respectées naturellement… Je ne pense pas que ce soit un problème à Bruxelles plus qu’ailleurs, le mouvement vandale existe partout dans le monde et c’est ce qui le rend intéressant justement. Et qui dit vandale, ne veut pas dire forcément voyous !
Qu’évoque pour vous le caractère éphémère des œuvres ?
Le caractère éphémère de la démarche est essentiel dans notre projet. Personne ne peut s’approprier les œuvres car elles appartiennent à tout le monde. On ne veut pas que qui que ce soit puisse la racheter ou en faire quelques chose de commercial. Par ailleurs, j’aime le fait qu’elles n’existent qu’un temps, c’est le principe même du graffiti et de beaucoup d’œuvres urbaines qui s’effacent naturellement avec le temps…
Le street art dans les galeries, vous en pensez quoi ?
Je pense qu’à partir du moment où il s’agit d’une exposition cloisonnée dans une galerie, on ne peut plus parler de street art… L’essence même de l’art urbain est de se trouver dans la rue ! Le terme « street art » est devenu très à la mode et je pense que beaucoup d’artistes surfent sur cette mode sans réellement en connaître les fondements. A la limite, on peut parler d’influences « street art » ou de « post graffiti » mais pour moi l’art urbain ou quel que soit le terme associé doit se trouver dans la rue et uniquement dans la rue…
Quel est la place des femmes dans le Street-Art ? Y a-t-il beaucoup de street-artistes féminines ? Y en aura-t-il dans le cadre du M.U.R. Brussels ?
Il y a très peu de femmes et j’avoue que je ne l’explique pas vraiment. On retrouve plus de femmes dans le rap, le slam ou même la dance mais je ne sais pas pourquoi dans le graffiti/street art il y en a si peu… Même au niveau de la création de projet, il y en a peu. En ce qui concerne le projet du M.U.R., par exemple, je pense que l’on est les premières femmes à monter le projet d’une manière indépendante. On programmera bien évidemment des femmes sur le M.U.R. Brussels si l’occasion se présente mais nous n’allons pas essayer de remplir un quota à tout prix. Pour moi, ce qui prime c’est la qualité artistique de chaque projet.
Un tout grand merci à Loubna El Wahabi, chargée de la Promotion et de la Diffusion du M.U.R. Brussels, pour avoir initié et piloté cet échange.
Liens :
Le M.U.R.
Le M.U.R. Brussels
L’asbl Costik
Mataone
Pso Man
Aien7
Ebo
Délit2fuite
Retrouvez une capsule vidéo de chaque intervention sur https://www.youtube.com/costikbxl





